Ma vie d'avant
Kyūshū – Novembre 1987 à Février 2010 Ryutaro vit le jour dans un hôpital à Kyūshū de deux parents Japonais qui venaient d’un milieu ni aisé, ni pauvre. La jeune femme avait eu une grossesse compliquée et avait du rester alité pendant de longues semaines, mais le futur père n’avait pas fait grand-chose pour l’aider, n’ayant pas voulu d’un enfant. « Tu vois, je t’avais bien dit que tu n’aurais pas du le garder ! Même pas né et il nous créé déjà des ennuis… Comment est-ce que tu vas faire pour travailler maintenant ? » Il n’était bon que pour faire des réflexions et même n’avait-il pas été présent lors de l’accouchement. Il avait déclaré qu’il avait beaucoup de boulot… mensonge, évidemment. Ce fut la jeune maman qui donna son nom à Ryutaro, en l’honneur de son grand-père qui était décédé à peine quelques mois auparavant. Dès lors que le petit garçon arriva dans la demeure familiale, son père ne lui porta que très peu d'attention, se contentant simplement de le regarder une fois de temps à autre et de déclarer à sa femme qu'il lui ressemblait bien trop, ce qui ne lui plaisait absolument pas. Ryutaro avait les yeux de son père ainsi que son nez et ses cheveux sombres. Enfant, il était plutôt potelé, avec de bonnes joues rebondies et adorables, comme le disait les amies de sa maman. Il grandit donc dans l'absence quasi-totale de figure paternelle à laquelle se raccrocher, et Dieu seul sait combien un petit garçon a besoin d'un papa. Lorsqu’il rentra à l’école, il se révéla être une forte tête. Il ne supportait pas de rester assis des heures durant pour soi-disant s’instruire. Il préférait regarder par la fenêtre, s’imaginer ailleurs, puis dans les classes supérieures, sécher les cours ou bien répondre à ses professeurs dans le but de se faire renvoyer de cours. A la maison, la relation entre Ryutaro et son père se dégradait au fil des jours. L’adolescent se rebellait de plus en plus et il tenait tête à son géniteur. Ils ne se supportaient plus mutuellement et ils en vinrent même à se battre quand Ryutaro allait sur ses quinze ans. Bien sûr, la force de l’adolescent n’égalant pas celle de son père, ce dernier fut le « vainqueur » de leur dispute, mais Ryutaro était bien décidé à lui rendre la monnaie de sa pièce pour ne s’être jamais occupé ni de lui, ni de sa mère. En plus du football qu’il pratiquait depuis cinq ans, il décida d’intégrer le club de boxe et ce sport fut une véritable révélation pour lui. Il s’avéra être très doué et il adorait se défouler sur ses adversaires. Ce fut durant cette époque que son caractère se forgea vraiment. Il sortait souvent avec des connaissances peu fréquentables pour fumer, boire et draguer, il se fit faire plusieurs piercings, se teignit les cheveux, mais surtout, il ne pouvait se passer de combats qu’ils soient dans la rue ou au club. Il ne manquait jamais une occasion de se libérer. Il mettait toute la colère qu’il avait en lui envers son père, se jurant qu’un jour il lui ferait subir quelques violences. Ses poings étaient devenus une arme redoutable, mais ce ne fut qu’à l’âge de vingt ans, après avoir péniblement obtenu son diplôme du lycée par on ne sait quel miracle, qu’il se rendit vraiment compte de l’ampleur des dégâts qu’il pouvait causer. Un combat de gang qui se termina mal, mais qui développa une étrange fascination à Ryutaro. Il n’avait pas très bien compris ce qui s’était passé – pour quelle raison exacte son adversaire ne s’était pas relevé comme lui – mais cela n’avait fait que l’intriguer. Alors, il renouvela l’expérience, une fois, puis deux, et trois. C’était plaisant pour lui, il prenait de l’assurance et, finalement, il put rendre sa propre justice envers son père. Sa mère ne sait toujours pas que c’est son fils qui a abattu son mari, et Ryutaro ne compte pas le lui dire. A la suite de cet épisode, le jeune homme parvint à se dénicher des petits boulots à droite et à gauche histoire de prendre son envol. Sa mère l’aida financièrement à s’en aller, car elle avait vendu la maison familiale devenue beaucoup trop grande pour elle seule. Ryutaro vécu jusqu’à ses vingt-trois ans sur l’île de Kyūshū, travaillant de-ci de-là, et surtout, poursuivant ses crimes lorsque cela lui prenait.
Tôkyô – Février 2010 à Mars 2014 Cela fait désormais plus de quatre ans que Ryutaro a déménagé à Tôkyô. On peut dire qu’il y mène une vie presque paisible… En effet, il n’a pas changé de lorsqu’il était adolescent. Il sort souvent pour faire la fête, boire et draguer, il continue de faire du sport très régulièrement, et, quand cela lui prend, il s’amuse différemment. Il y a malheureusement pris goût, à ses meurtres sur l’île nipponne, et jeter son dévolu sur une pauvre personne qui passe devant lui, cela ne lui fait pas peur, au contraire. Une certaine excitation née en lui et il est incapable de la repousser avant qu’il ne l’ait assoiffée. Des hommes, des femmes, de tout âge et de toutes tailles ; Ryutaro n’a pas de cible particulière. Ce sont des mélodies à ses oreilles toutes ces plaintes, tous ces cris. Il se sent exister au travers de tout ça. Afin de gagner de l’argent, il continue de faire des petits boulots à droite et à gauche, le plus souvent en tant qu’intérimaire. Les choses semblaient s’être tassées et Ryutaro poursuivait son chemin sans avoir d’attache. Il ne voyait évidemment plus son père depuis longtemps et, parfois, il lui arrivait de se demander ce qu’il pourrait faire de plus dans sa vie. Il allait bien, s’amusait à sa manière, avait trouvé un emploi de vendeur plus ou moins stable, en dehors du fait qu’il ne se doutait pas qu’il allait se faire tuer dans un attentat visant son responsable. Mauvaise cible, mauvaise place au mauvais endroit et mauvais moment. Lui qui s’était battu vingt-six ans venait de mourir aussi bêtement.
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A Shinkyo
Ce n’est qu’un peu plus tard qu’il s’est réveillé dans le corps de quelqu’un d’autre. Évidemment, il n’y a rien compris et s’est demandé ce qui lui arrivait surtout que le problème s’est avéré plus gros qu’il n’aurait pu l’imaginer. Cette personne dans laquelle il semblait s’être réincarné était boulanger-pâtissier en plus d’avoir un caractère des plus… sympathique. En effet, il était à la fois amical et généreux en plus d’être souriant. Cela était déconcertant. Et comment il s’en rendait compte ? Malheureusement à cause de cette schizophrénie qui s’était immiscée dans son organisme. Comment pouvait-il gérer cette folie ? Il n’aimait pas la personnalité de ce « Shibata Ryutaro ». Il était à l’exact opposé de lui, mais, le pire était qu’il avait une très bonne relation avec son père. Pour lui, quand cet homme reprenait le contrôle de son corps, c’était un véritable supplice. S’apercevrait-on de ce côté lunatique apparu ? Agir comme si de rien n’était quand il retrouvait cette famille qui n’était pas la sienne était aussi compliqué que lorsqu’il se rendait à la boulangerie pour fabriquer et vendre toutes ces sucreries. Ryutaro n’aime pas les secrets et il fera tout son possible pour quitter cette histoire sans queue ni tête. Lui parler d’une seconde chance ? Il n’y croit pas ; il n’avait pas besoin d’une seconde chance.
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